La nouvelle a été accueillie avec enthousiasme à Port-au-Prince. Lors de sa 10009e réunion, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté la résolution 2793, marquant la fin du mandat de la Mission multinationale de soutien à la sécurité (MMSS) et son remplacement par la Force de suppression des gangs (FSG). Cette décision est présentée par plusieurs observateurs comme un tournant décisif dans l’engagement de la communauté internationale auprès d’Haïti, après les limites constatées de la MMSS.
Un mandat plus robuste et proactif
La principale différence entre la MMSS et la FSG réside dans la nature et l’étendue de leur mandat. La MMSS avait été conçue comme une mission de soutien, essentiellement défensive et limitée, chargée d’appuyer la Police nationale d’Haïti (PNH) dans ses opérations de sécurisation. Elle souffrait toutefois d’un manque d’efficacité, car ses règles d’engagement et sa dépendance logistique vis-à-vis de la PNH réduisaient sa capacité d’action autonome.
À l’inverse, la FSG est placée sous le Chapitre VII de la Charte des Nations Unies, ce qui lui confère un mandat coercitif et offensif, destiné à cibler directement les gangs armés. Selon le paragraphe 1, alinéa A de la résolution, elle peut mener, indépendamment ou conjointement avec la PNH et les Forces armées haïtiennes, des opérations de lutte contre les gangs basées sur le renseignement. Son objectif est clair : neutraliser, isoler et dissuader les groupes criminels qui continuent de menacer la population civile et de saper les institutions nationales.
Une marge de manœuvre inédite
L’indépendance opérationnelle de la FSG est consolidée par le paragraphe 5 de la résolution, qui l’autorise, à titre exceptionnel, à prendre des mesures urgentes et temporaires, y compris des arrestations et détentions, afin d’aider la PNH à maintenir l’ordre public et la sécurité de base. Cette disposition constitue une rupture politique et diplomatique majeure avec le cadre de la MMSS : la FSG bénéficie d’une capacité d’action proactive, lui permettant d’intervenir directement sans être strictement tributaire des autorités haïtiennes.
Sur le plan diplomatique, ce changement traduit une volonté de la communauté internationale de dépasser l’approche classique d’assistance technique pour aller vers une ingérence limitée mais assumée, répondant à l’urgence sécuritaire. Politiquement, il s’agit d’un signal fort : la communauté internationale reconnaît que la violence des gangs n’est pas seulement un problème de sécurité intérieure, mais une menace à la paix et à la stabilité régionales.
Une mission à durée limitée : 12 mois, un pari risqué
Si le renforcement du mandat et l’autonomie de la FSG suscitent des attentes positives, une interrogation demeure : la durée du mandat, fixée à 12 mois, sera-t-elle suffisante pour stabiliser le pays et préparer des élections libres ?
L’expérience haïtienne et les précédentes interventions internationales montrent que les dynamiques de violence et de criminalité organisée ne se résorbent pas en une année. La restauration durable de la sécurité exige non seulement des opérations militaires ciblées, mais aussi des réformes structurelles : renforcement de la PNH, assainissement du système judiciaire, lutte contre la corruption et rétablissement de la confiance des citoyens dans leurs institutions.
En somme, si la FSG marque une avancée notable par rapport à la MMSS, le pari diplomatique de la communauté internationale reste fragile. La réussite de cette mission dépendra de la capacité à transformer une victoire militaire ponctuelle contre les gangs en un processus politique durable. À défaut, la FSG risque de n’être qu’un répit temporaire dans une crise qui, depuis des décennies, dépasse le cadre sécuritaire pour toucher aux fondements mêmes de l’État haïtien.
Dieunel Bellegarde





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