La violence des groupes armés frappe de plein fouet une société haïtienne exsangue, cumulant depuis plusieurs années une croissance économique négative et l’un des indices de développement humain les plus alarmants du continent. Privée des services de base, la majorité de la population tente de survivre dans une réalité qui contraste violemment avec le mode de vie de dirigeants perçus comme les garants d’un système corrompu. La capitale haïtienne est aujourd’hui au bord de la déflagration sociale et humanitaire.
Haïti, un État en voie de faillite
À Port-au-Prince, plus de 80 % du territoire est désormais sous le contrôle de gangs armés. Ces groupes ont forcé des milliers de familles à fuir leur domicile, provoquant une crise de déplacés internes sans précédent : plus de 700 000 personnes vivent désormais dans des camps de fortune ou chez des proches en zones rurales ou périphériques.
D’après l’ONU, plus de 5 600 personnes ont été tuées en 2024 en raison des violences liées aux gangs, et rien que pour le premier trimestre de 2025, 1 617 décès supplémentaires ont été enregistrés. Ces chiffres tragiques témoignent de l’ampleur de la crise sécuritaire et humanitaire qui secoue le pays.
Une économie au bord du gouffre
Haïti s’apprête à entamer sa dixième année consécutive de croissance négative. En 2024, le pays a affiché le taux de croissance le plus faible du continent américain, un contraste saisissant avec son voisin, la République dominicaine, qui a connu une croissance de 5 %, selon les données du FMI et de la Banque mondiale.
Cette débâcle économique s’explique en grande partie par la mainmise des gangs sur les infrastructures stratégiques du pays, paralysant les circuits de production et d’échange. Des sources officieuses relayées par des économistes estiment que les groupes armés auraient engrangé plus de 100 millions de dollars sur l’ensemble du territoire en 2024. Résultat : fermetures massives d’entreprises, explosion du chômage, et précarité généralisée.
Une ville privée de services publics essentiels
Port-au-Prince, surpeuplée, croule sous l’effondrement des services sociaux de base. La majorité de ses habitants vit sous le seuil de pauvreté, sans accès régulier à l’eau potable, à l’électricité ni aux soins médicaux.
Avec près de deux millions d’habitants, un seul hôpital public fonctionne encore : l’Hôpital universitaire La Paix, à Delmas 33. Ce centre médical, déjà sous-équipé, dépense 600 000 gourdes par jour rien qu’en énergie, en raison du black-out total qui paralyse la capitale depuis plus de dix jours. La panne est liée à la mise à l’arrêt forcée de la centrale hydroélectrique de Péligre par les habitants de Mirbalais, en protestation contre l’inaction de l’État face à l’occupation de leur commune par les gangs.
Un système éducatif sacrifié
L’absence d’électricité a un impact direct sur le système éducatif, déjà meurtri par l’insécurité. De nombreuses universités et écoles ont dû fermer leurs portes. D’autres, contraintes à l’enseignement en ligne, peinent à fonctionner face à l’instabilité de la connexion Internet. Ce constat désastreux prive toute une génération de la possibilité d’accéder à un avenir meilleur.
Le silence coupable des élites au sommet d’un État décomposé
Face à cette situation d’effondrement généralisé, les autorités haïtiennes brillent par leur silence et leur inaction. Aucun plan concret, aucune réponse coordonnée, aucun discours de vérité. Les élites politiques semblent s’être retranchées derrière leurs privilèges, dans une indifférence totale à l’égard des souffrances du peuple.
Le contraste est saisissant : alors que la majorité des Haïtiens luttent chaque jour pour survivre dans l’insécurité, la faim et l’abandon, ceux qui prétendent gouverner continuent de se nourrir d’un système de corruption systémique devenu la colonne vertébrale de l’État haïtien. Les fonds publics sont dilapidés, les ressources internationales détournées, et les institutions minées par les intérêts particuliers.
Port-au-Prince, autrefois cœur battant de la nation, est aujourd’hui l’épicentre d’un État en déliquescence. Tant que ceux au pouvoir ne seront pas tenus pour responsables politiquement, judiciairement et moralement, la chute d’Haïti se poursuivra, inéluctable, et avec elle, l’effondrement de tout espoir collectif.





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